top of page
345A6351-Modifier.jpg

Personne ne veut ĂȘtre rĂ©silient

  • Writer: MĂ©lanie Coulombe
    Mélanie Coulombe
  • Jan 29, 2024
  • 4 min read

Updated: Nov 15, 2024


 




Le concept de résilience est plus complexe que l'on ne pense.



Femme qui marche nu pied

Plus je tente de dĂ©finir ce concept, plus je prends conscience de la complexitĂ© de la notion de rĂ©silience et ses implications au niveau social. Être rĂ©silient n’est pas une mauvaise chose, alors pourquoi le mot prend parfois une connotation si nĂ©gative ?


La dĂ©finition gĂ©nĂ©rale de la rĂ©silience c’est une caractĂ©ristique donnĂ©e qui dĂ©finit la rĂ©sistance aux chocs d’un matĂ©riau quelconque. En gros : plus on peut taper sur l’objet/le matĂ©riau sans qu’il Ă©clate/se dĂ©forme, plus il est rĂ©silient.


En psychologie, quand on parle de rĂ©silience, on parle de la capacitĂ© d’un individu Ă  s’adapter, se construire et se dĂ©velopper en dĂ©pit de circonstances potentiellement peu favorables/traumatiques

De façon plus populaire, quand on parle de résilience, on cite souvent Nietzsche : « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts ».

Je crois qu’on peut tous s’entendre sur ceci : la rĂ©silience est gĂ©nĂ©ralement perçue comme une qualitĂ©. Elle est mĂȘme relativement recherchĂ©e. Il est bien vu de s’adapter et rester fonctionnel mĂȘme en prĂ©sence de facteurs peu favorisants. Et habituellement, quand on dit Ă  quelqu’un « Waw tu es rĂ©silient ! », on le dit comme un compliment, on admire et souligne les capacitĂ©s adaptatives de la personne devant nous.


De quelle façon, alors, la rĂ©silience peut-elle ĂȘtre dommageable ?


1.      La résilience est parfois confondue avec de la positivité toxique :


PoussĂ©e trop loin, la positivitĂ©/la rĂ©silience nous fait ignorer certains aspects de la rĂ©alitĂ© et nous mĂšne Ă  emprunter des chemins souffrants et/ou stressants. On peut tenter de se convaincre que « tout va bien », et qu’on devrait ĂȘtre plein de gratitude, alors qu’en rĂ©alitĂ©, il pourrait ĂȘtre intĂ©ressant de s’attarder Ă  la souffrance prĂ©sente dans notre vie qui est valide et lĂ©gitime.

 

2.      Pour le seul intĂ©rĂȘt de la rĂ©silience, on peut persister de façon illogique dans des objectifs irrĂ©alistes.


C’est le: « go big or go home ». Tout ou rien. C’est les fameux « il faut que ». C’est de continuer Ă  tenter d’atteindre et maintenir des standards peu rĂ©alistes qui sont au-delĂ  de nos capacitĂ©s. On peut aussi projeter ces standards sur les autres par la suite, ce qui peut rendre nos relations sociales difficiles. C’est souffrant.

 

3.      La perception de rĂ©silience chez l’autre peut gĂ©nĂ©rer un manque d’intĂ©rĂȘt Ă  l’aider.


C’est normal, notre capacitĂ© d’aider est limitĂ©e, et gĂ©nĂ©ralement, on tente de « saupoudrer » nos ressources internes et aider un petit peu tous ceux qui nous semblent en avoir le plus besoin. Et la personne rĂ©siliente bien souvent n’a pas l’air d’avoir besoin d’aide. De la mĂȘme façon, parfois, percevoir que nous sommes rĂ©silients peut faire en sorte qu’on demandera moins d’aide, ou on aura l’impression de ne pas en avoir besoin, car « un individu rĂ©silient peut se dĂ©brouiller ». C’est un peu se faire enlever la permission de souffrir, et de « ne pas ĂȘtre capable ».

 

En rĂ©alitĂ©, la rĂ©silience, ce n’est pas pouvoir tout surmonter, n’avoir aucune limite, n’avoir jamais besoin d’aide et ĂȘtre tout-puissant.


J’aimerais redĂ©finir les choses un peu :


Demander de l’aide, c’est ĂȘtre rĂ©silient.


C’est trĂšs difficile de demander de l’aide, ça exige de se montrer potentiellement vulnĂ©rable devant quelqu’un, de reconnaitre et d'accepter nos limites, et de les respecter tout en investissant nos relations avec les autres de façon confiante et sĂ©cure.


Pleurer, c’est ĂȘtre rĂ©silient.


C’est se donner la permission d’exprimer une Ă©motion qu’on a Ă©tĂ© capable de reconnaĂźtre et capable d’investir sans craindre d’ĂȘtre complĂštement submergĂ©.


Souffrir, c’est ĂȘtre rĂ©silient.


La prĂ©sence de souffrance n’égale pas l’absence de rĂ©silience. C’est normal de souffrir quand on vit des Ă©vĂ©nements difficiles, c’est trĂšs sain de reconnaĂźtre ces Ă©vĂ©nements pour ce qu’ils sont et se permettre une rĂ©action Ă©motionnelle appropriĂ©e. C’est correct si quand on vous dit « Hey, t’es rĂ©silient! » d’avoir juste envie de pouvoir vous effondrer, tout lĂącher et pleurer un bon coup. De juste vouloir dire « Non, aujourd’hui je veux pas ĂȘtre rĂ©silient ».

 

Et pour revenir Ă  Nietzsche, il pourrait ĂȘtre facile d’interprĂ©ter « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts » en « Je dois souffrir et ĂȘtre confrontĂ© Ă  des difficultĂ©s pour ĂȘtre fort ». On peut ĂȘtre rĂ©silients sans avoir Ă©tĂ© confrontĂ©s Ă  un million de difficultĂ©s, et dire Ă  une personne qui a Ă©tĂ© trĂšs Ă©prouvĂ©e par la vie « tu es rĂ©silient » ne fait que mettre en lumiĂšre la quantitĂ© de souffrance dans sa vie, ce qui ne prend pas du tout l’allure d’un compliment. Le concept de rĂ©silience, dans cette situation, expulse la souffrance du portrait.



Et je crois aussi que c’est cette interprĂ©tation de la rĂ©silience qui parfois fait en sorte qu'on peut ĂȘtre tentĂ© d'Ă©lever nos enfants Ă  la dure pour les « prĂ©parer Ă  la vraie vie ». Pour qu’ils soient Ă©quipĂ©s Ă  faire face aux difficultĂ©s et ĂȘtre rĂ©silients. Ça fait du sens. En mĂȘme temps, non.


Bien qu’avec l’expĂ©rience clinique, je crois de plus en plus que certains facteurs liĂ©s Ă  la rĂ©silience sont probablement innĂ©s, je crois majoritairement qu’on dĂ©veloppe de la rĂ©silience en Ă©tant supportĂ© dĂšs le jeune Ăąge par des adultes empathiques, authentiques, qui nous offrent un environnement sĂ©curitaire vers lequel on sera certain de pouvoir revenir si rien ne va plus. On devient rĂ©silient en Ă©tant persuadĂ© que si on demande de l’aide, on la recevra, en se sentant acceptĂ© et suffisamment en sĂ©curitĂ© pour exprimer nos Ă©motions tout en Ă©tant aimĂ© inconditionnellement, mĂȘme quand on commet des erreurs.


La résilience se développe dans la sécurité, pas la précarité.

Si la façon dont on affronte l’adversitĂ© puisse faire Ă©tat de notre rĂ©silience, la vie est dĂ©jĂ  assez dure, pas besoin de s’imposer ou d'imposer aux autres une idĂ©e/interprĂ©tation de la rĂ©silience qui ajoute une complexitĂ© Ă  notre quotidien sans nĂ©cessairement ĂȘtre constructive/saine.

Personne ne veut ĂȘtre rĂ©silient, parce qu’au final, une vie heureuse, c’est une vie empreinte du plus de simplicitĂ© et de facilitĂ© possible. En fait, je crois que ce qui exprime probablement le mieux la chose c’est : personne ne veut avoir Ă  ĂȘtre rĂ©silient.

 

 
 
 
bottom of page